In [di] visible


Québec (Qc) - Bruxelles (BE), 2019

Photos : Ivan Binet - Design 3D : Louis-Robert Bouchard - Dessin : Wikipedia




Projet de recherche entamé lors d’une résidence de création croisée entre la Chambre blanche et Transculture avec l’artiste programmeur Frank Soudan. L’idée est d’explorer la relation entre les données numériques invisibles qui sont aujourd’hui indivisibles de notre quotidien en les rendant visibles. C’est un projet que je continu à développer.

L’un des aspects le plus important du développement de la société moderne rendu possible grâce à l’électricité est celui de la communication instantanée, à la vitesse de la lumière. Durant le 19e siècle, plusieurs dispositifs de communications ont vu le jour: le télégraphe électrochimique de Samuel Sömmerring, qui utilisait la séparation de l’hydrogène et de l’oxygène de l’eau (électrolyse) pour associer des lettres à l’émission de bulles, le télégraphe A.B.C. de Charles Wheatstone et William Cooke, qui utilisait un cadran pour envoyer une lettre à la fois à la manière d’un téléphone à roulette, le télégraphe à aiguilles (aussi de Wheatstone et Cooke) qui utilisait les propriétés d’un aimant électromagnétique pour aligner des aiguilles sur des lettres et, bien entendu, le télégraphe qui utilisait le code de Samuel Morse, encore utilisé de nos jours. À comparé aux dispositifs de communication moderne, ces dispositifs étaient extrêmement lents. Qu’arriverait-t-il donc si nos transferts de donnés numériques modernes de plusieurs milliards d’informations à la secondes utilisaient plutôt un système inspiré de ces premiers dispositifs de communications? Qu’est-ce qu’un tel objet pourrait nous apprendre sur les communications modernes? Comment un tel objet peut-il amener une réflexion sur ce débit étourdissant de données qui a lieu à toutes les secondes?

L’œuvre créé pour tenter de répondre à ces questions est un dispositif constitué de 8 ampoules de stroboscope, chacune de ces ampoules représentant un bit de donné. La machine ne peut donc qu’envoyer 8 bits à la fois. D’après nos expérimentations préliminaires, ce modem stroboscopique permet un débit de 4 à 6 transferts à la secondes, ce qui veux dire de 128 à 192 bits par secondes. Comparativement au 10 Gbits/s d’aujourd’hui (10 000 000 000 bits par secondes) c’est extrêmement lent! Pour transformer ce dispositif d’affichage de donnés en dispositif de transfert de donnée à part entière, un senseur de lumière est installé à chacune des ampoules afin de retransformer le flux lumineux en flux électrique analogique, pour ensuite le transformer en flux électrique numérique et l’envoyer au décodeur de l’affichage de sortie, créant de ce fait un véritable modem.

Les données transférées dans la machine par le code de l’artiste Frank Soudan sont des lettres et de symboles. Synchronisées entre elles, les ampoules du dispositif de transfert de données permettent d’encoder un caractère UTF-8 dont la norme emploie 1 paquets de 8 bits. Plus concrètement, le code de Frank s’inspire de poésie et de littérature télégraphiques. Ce sont des textes qui ont été écrit et “récités” à travers des télégraphes en code morse au début du siècle dernier. On peut donc considérer ceux-ci comme faisant partie des premières œuvres d’arts transférées électroniquement! À partir du champs lexical de ces textes, les algorithmes recherchent sur internet de nouvelles combinaisons afin de créer de nouveaux textes et poèmes qui sont ensuite imprimés sur du papier carbone, symbole par excellence de l’impression éphémère des données numériques modernes. Plus le temps avance, plus la salle se remplie de textes générés, rappelant aussi les longs rubans des imprimantes de code morse. Au final, tous ces poèmes sont roulés et archivés, trace tangible de ces données invisibles.

Ce dispositif joue donc sur quatre plans de réflexions:

Premièrement, sur la temporalité même du monde numérique dans lequel nous vivons en ralentissant de manière extrême les flux numériques .

Deuxièmement, sur la visualisation des données par les lumières qui clignotent, en contraste avec les flux numériques qui restent invisible à l’être humain.

Troisièmement, sur l’histoire du développement des communications moderne et de leur omniprésence en créant une machine hybride entre l’ancien et le nouveau.

Finalement sur les traces, en majeure partie invisible, que toutes ces données laissent derrière elles.



Présentation / exposition
Chambre Blanche - 2019 > Résidence et exposition
Transculture - 2018 > Résidence


Équipe de création
Idée originale et création > Louis-Robert Bouchard
Programmation des algorithmes > Frank Soudan